PLY – Rends-toi
À propos de Rends-toi & Cluzel par David Sanson.
On le sait au moins depuis Gainsbourg : le « spoken-word », comme on dit maintenant, reste l’un des plus gratifiants moyens de faire sonner, et même tout simplement « passer » le français dans un idiome « rock », au sens le plus large du terme. En la matière cependant, il est aussi difficile de se détacher de l’influence de cette figure tutélaire que d’échapper à une certaine facilité.
C’est peut-être ce qui frappe d’emblée, dans le travail de PLY : cette densité, et en même temps cette crudité, du son et du sens, cette manière radicale et singulière de frotter ensemble une langue et des musiques, de les articuler en les désarticulant, de les faire s’accoupler à défaut de les marier. En témoignent ces deux objets contenant respectivement 4 et 6 chansons, dont l’un (le CD) serait l’à-côté (et l’opposé) de l’autre (le vinyle). Comme les deux facettes, l’une peut-être un peu plus solaire et bucolique – parcouru de bruissements de nature, de craquettements de cigales ou de stridulations de grillons, de choeurs XXS et de kalimbas africaines, le EP Cluzel a été enregistré un été dans la campagne aveyronnaise –, d’un duo dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il semble fusionnel.
Cette densité de matière, cette singularité, ce son que l’on ne saurait réduire à un seul courant, est sans doute le résultat de la somme des influences et des parcours respectifs de Mathias Delplanque et de Guillaume Ollendorff, à la fois extrêmement riches et perversement polymorphes. Le premier a grandi en Afrique, étudié aux Beaux-Arts de Cergy-Pontoise, oeuvré aussi bien dans le champ de la création sonore et de l’électroacoustique que sur les scènes plus club, notamment sous l’alias Lena. Le second, installé à Berlin, a réalisé deux disques sous le nom de Tsé (dont la La Ralentie, où il chantait Henri Michaux et reprenait Einstürzende Neubauten), joué avec Colder, et publié sous le nom de Théo Lessour deux essais sur la musique (Berlin Sampler et Chaosphonies) témoignant d’une égale dilection pour le cabaret berlinois et le dub jamaïcain.
C’est tout cela que l’on retrouve, concassé ou mis à nu, sur ces deux disques où, sur fond d’un dub sombre et spectral, à la fois moite et froid, ou d’ambiances urbaines qui font songer au Einstürzende Neubauten tardif, apaisé mais abrasif (Rends-toi), la voix suave et grave de Guillaume Ollendorff décline comme en un souffle une espèce de moite effroi, une forme de poésie décadente et cold-wave aussi proche que du Gainsbourg d’Hôtel particulier (notamment sur le diptyque rock Rappelle-moi / Julie) que de son modèle possible, le Des Esseintes d’À rebours. Deux disques qui frappent par leur dimension organique, à tous les sens du terme, au plan aussi bien musical que textuel – il y a des corps et des matières, de la chair et des tissus, dans ces textes sagaces et salaces qui disent le désir et la joie, l’ivresse et l’assuétude, l’extase et l’hébétude. Deux disques qui pourraient avoir été enregistrés entre Ouagadougou et Berlin sur quelque cargo forcément culte, dont on égrène les morceaux comme autant de voyages miniatures, et immobiles, comme on tournerait les pages d’un strip cosmique et diablement addictif...
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Fiche technique des disques :
Rends-toi (LP)
Face A : 1.Le roi gouré / 2.Rappelle-moi / 3.Julie
Face B : 1.Rends-toi / 2.Trinklied / 3.Et puis…
Rends-toi a été enregistré et mixé à Nantes et à La Boissière entre février et août 2017.
Mathias Delplanque : Bass, electronics, various instruments, editing, mixing.
Guillaume Ollendorff : Paroles, voix, noises, editing.
Avec Alice Dourlen aka Chicaloyoh (voix pour Le roi gouré, Rappelle-moi et Rends-toi), Pierre Bouglé (percussions pour Rappelle-moi), et Anne-Laure Bourget (daf pour Rappelle-moi).
Mastering : Norscq
Cover photography : Aëla Labbé
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Revue de presse
Back in Vital Weekly 1055 I reviewed Ply’s first release, ‘Sans Cesse’, now it’s time for a follow-up that is one LP and one mini CD (twenty seven minutes, so perhaps not that mini?). The duo of Mathias Delplanque and Guillaume Ollendorff return with new pieces and various guests. Delplanque is responsible for most of the instruments, and Ollendorff for lyrics, voices, noises and editing (the latter in collaboration with Delplanque of course). According to Serge Gainsbourg ‘spoken word’ is one of the most effective ways to make French sound good (sayeth the information that came with the release actually), and true that is. If you are in France try and whisper the street names like Etant Donnes do their poetry and you’ll see it makes beautiful sense. As before the music by Ply is about text and it’s a beautiful language, but it’s a bit hard to understand what it is about if you have no idea what these texts means. For all I know it could be “Jesus Christ is our saviour”, “satan is a great guy” or “vital weekly is a rag”. Judging by the slow, jazzy beats, spacious guitar and sparse keyboards tell me that it’s probably none of that, but then what it is? I don’t know. It sounds like sitting in a cafe in Paris, in the mid 50s, a place filled with smoke, drink and jazz. And all is in black and white and throughout there is a mysterious atmosphere with some odd sounds appearing in this bar. Ollendorf’s voice is deep and has a great narrative quality, Delplanque’s music is equally like a story, sparse most of the time, but very much there, I should think. There is not much difference in approaches for the LP and the CD, I think, and perhaps it’s a bit that the CD is only this long. I would not have minded a few more. (Frans de Waard)
After Sans Cesse in 2016 and Cluzel in 2018, Mathias Delplanque and Guillaume Ollendorff release a new album under the name Ply, as the last one produced by the label Warm. Listening to the first of the album six tracks, “Le roi gouré”, we immediately perceive an author’s approach, textual and dramaturgical, including some poetical loops full of romanticism, bohemian atmospheres and elegiac songs. A Gainsbourgh-style voice lies behind the sound waves, that are very accurate and sometimes violently conquer the scene (see for example the title track “Rends-toi”). In other passages an elegant and downtempo electronics lead the stylized narration across a double path. From one side, there is a delicate and melodic pleasure, thanks to the presence of electroacoustics elements, as in previous works; on the other side, a contrast, with experimental and gently noises arrangements. A composer, performer and music critic, Delplanque has in the past made releases with labels such as Low Impedance, Cronica e Baskaru. Here he keeps the tension constantly high, with the use of some western style aria, on the edge of post-rock, or with very indirect references to a specific orchestral classic tradition. Following Ravel’s Bolero, in “Rappelle-moi” Ply develop a sort of “composition for orchestra without music”, where the insisting sound choreography leads the weave movement. Maybe their previous experience as “spectral music” musicians influence some passages. The authors focus on analysing the sound’s physical phenomena that occur to create the atmospheres. They also reconsider the importance of the time factor, with their work on the pauses and the reprises, the geometrical caesura and the dilated spaces. Better known as Tsé, Guillaume Ollendorff is always on point. His voice is always searching for a balance between the different parts, a balance that might be erotic too. His attitude is very experimental, but also very chanson française. There are many different influences in the duo and the results are eclectic: elegant, enjoyable from different sides and also coherent and abstract.
Informations complémentaires
Poids | 0,460000 kg |
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